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L’aïoli fada !

Dans les années 80, quand je suis venu vivre dans la Vallée des Baux-de-Provence, j’ai découvert un vendredi un plat extraordinaire : l’aïoli ! C’était au Bistrot du Paradou, un vendredi d’hiver. Depuis, je m’amuse à collectionner, plutôt compiler, toutes les informations que je trouve sur ce plat historique et vivant. Je continue d’en manger souvent. Vous devriez en faire autant. David Hairion Le Cousinié Macàri, pseudo du célèbre Frédéric Mistral,  présente l’aïoli comme la base de l’identité culinaire provençale : “L’aïoli…

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Réhabilitation de l’Ail, par Léon Daudet

Réhabilitation de l’Ail, par Léon Daudet

Ce texte a été « découvert » dans la collection « La France à table » sur « Marseille et ses environs » (Gastronomie et Tourisme n° 65, mars 1957). Il démarre par cette introduction de l’éditeur :

Point n’est besoin de partager l’opinion politique de l’illustre polémiste pour le saluer comme un grand lettré et un admirable artiste. Aimant la France dune ardente et généreuse passion, il en comprenait tous les aspects. Eminent gastronome, il a consacré aux grands plats et aux vins de chez nous des pages enthousiastes, où la verve s’allie à lérudition.

« J’ai lu, avec une joie mélangée d’orgueil, sous ce titre : VERTUS THÉRAPEUTIQUES DE L’AIL, une communication sur les vertus thérapeutiques de l’ail a été faite à la Société de Biologie par les docteurs Coeper, Chailley-Bert et Debray ; il résulte des expériences auxquelles ils se sont livrés que l’action de ce végétal serait efficace contre l’hypertension artérielle. On peul l’utiliser médicalement soit en injectant dans les veines une macération d’ail, soit par ingestion par la voie buccale d’une trentaine de gouttes par jour d’un liquide obtenu en faisant macérer des bulbes d’ail pendant trois semaines dans quatre fois leur poids d’alcool à 93°. On observerait une notable diminution de la tension artérielle après quelques jours de ce traitement.

 

La science vient ainsi renforcer la traditionnelle confiance que les populations méridionales ont mise dans les vertus curatives du plus malodorant des assaisonnements.

“Avec joie … nous comprenons ça” – vont s’écrier les amis de l’ail, c’est-à-dire tous les gourmands, car, sans ail, la vie elle-même est fade – mais pourquoi avec orgueil ?

Parce que je suis un des premiers à avoir soutenu cette idée, par le journal et par le livre, que la meilleure thérapeutique, c’est celle de l’alimentation.

Le xixe siècle, qui aura été celui des plus fortes erreurs, en science comme en politique – bien qu’on prétende généralement le contraire – a produit ces phénomènes invraisemblables : des médecins qui défendaient à leurs malades de boire du vin, qui leur recommandaient l’eau pure, ou, à jet continu, les eaux minérales. Or, le vin n’est pas seulement l’incomparable tonique, chanté par Ronsard, Baudelaire et Ponchon, qui nous a fait une race énergique, vigoureuse et ensoleillée, capable de résister même à cinquante ans de peste républicaine, parlementaire et démocratique. C’est encore l’ennemi de l’arthritisme – qui sévit cruellement chez les buveurs d’eau, notamment minérale – de la neurasthénie noire ou blanche, de la dépression nerveuse, et c’est le grand rectificateur de l’hérédité.

Le vin corrige l’hérédité défectueuse, en apportant au sang, et, par lui, aux tissus, le roi des sérums naturels, fabriqué dans les laboratoires du vignoble, par les métaux en suspension, les radicelles de plantes salubres, celles de la vigne elle-même et le soleil : Vulcain, impressionné par Cérès et rectifié par Apollon !

Mais immédiatement après le vin et le blé, dont l’éloge n’est plus à faire – bien qu’on connaisse mal les vertus du pain – arrive immédiatement, dans sa gousse satinée, cet ami, trop méconnu de l’homme : l’ail. Mon ami inoublié, le docteur Henry Vivier, que nous appelions « le Sorcier », parce qu’il guérissait tous ses clients, ou les maintenait au moins loin de Pluton, s’écriait volontiers, même en chemin de fer, à la stupeur des étrangers : « L’ail, l’oignon, ces deux demi-dieux ! » Bien avant qu’on discernât les « vitamines », ou principes vivants des céréales, légumineuses, gousses comestibles et autres, Vivier professait que le produit du laboratoire est toujours inférieur au produit du sol. Un autre de mes amis, médecin d’enfants de grand talent, a coutume de dire qu’il ne faut pas faire de l’être humain une cornue.

C’est pourquoi, sans vouloir contrarier le moins du monde les docteurs Coeper, Challey-Bert et de Bray, je leur dirai qu’à l’injection de leur macération d’ail et à leur ingestion de leurs gouttes extrait d’ail, je préfère une bonne bouillabaisse. La meilleure que j’ai mangée de ma vie – qui en compte cependant un nombre incalculable – était celle d’un des derniers automnes, en plein air, près des Martigues, en compagnie de Charles Maurras et de Jacques Bainville. Il faudrait un volume pour la décrire et pour raconter son illustre confection. Sachez qu’elle aurait ressuscité un mort et qu’elle fut suivie de deux plats de poissons grillés avec fond de sauce à l’huile, au poivre, à l’ail et à la tomate, auquel nul microbe n’aurait résisté. Pendant que nous dégustions ces merveilles uniques, dans la cour d’un vieux fort démantelé, sous les triples lames d’or, de bleu et d’argent d’un ciel comme on en voit dans les missels, Maurras nous parlait d’un vieux mage qu’il avait connu dans son enfance et qui guérissait à l’aide de l’ail, des frictions d’ail sur l’organe malade. Je citais le cas de mon cousin arlésien Timoléon, régulièrement enrhumé et bronchiteux aussitôt qu’il mettait les pieds à Paris en hiver, et qui se traitait efficacement avec une simple « aïgo-bouligo » (eau, ail, huile, thym et pain bien dosés) dont il avalait trois assiettes. Aucune piqûre sous-cutanée ne vaut cela.

Frédéric Mistral et mon père, quand je faisais mes études médicales, me conseillaient vivement de faire ma thèse sur les vertus thérapeutiques du catigot d’anguilles, plat du Rhône, dont la recette est : rondelles d’anguilles, d’oignons, de lard, alternées sur une broche, grillées à feu vif, avec arrosage d’un coulis d’ail et de tomate, qu’on appelle aussi une pommade. Le catigot, dont la recette, originaire de Condrieu, aurait été perfectionnée jusqu’à Saint-Louis du Rhône, guérissait – à condition que l’ail fût « piquant » – presque toutes les maladies infectieuses, et Mistral disait en riant : « Il n’y a que le mal d’amour contre lequel il soit inefficace. » Quelquefois je revois en rêve ma thèse imprimée, avec ce titre en caractères gras : Du catigot et de ses vertus. Mais j’eusse été sûrement recalé par cet extraordinaire et solennel abruti qu’on appelait le professeur Bouchard, ennemi du vin, considéré par lui comme le pire des poisons, et qui avait inventé cette affaire abracadabrante : les maladies « par ralentissement de la nutrition… » !

Il y a quelques années, une autre bourde diplômée, celle-ci, je crois, américaine, avait imaginé qu’il fallait déjeuner d’une simple cuillerée de légumes, mâchée pendant un quart d’heure (ça s’appelle le fletchérisme), jointe à une bouchée d’une viande quelconque, mâchée pendant une demi-heure. A la suite de cette plaisanterie, on aurait remarqué – et je n’en suis point surpris – une recrudescence insolite des stomatites ulcérantes et des cancers de la langue. N’empêche qu’appliquée à l’aïoli, la méthode eût donné des résultats curieux. Mâcher de l’ail pendant une demi-heure, c’est ce que Forain appelait « se faire une bouche d’enfant ! ».
La conclusion, c’est que l’aïoli, ou mayonnaise à l’ail, honneur de toute bonne table languedocienne et provençale, est un sûr moyen d’échapper à la maladie et à la mort. On assure qu’il tue parfois les voisins, mais les gens qui prétendent cela sont du Nord et, par conséquent, assez hâbleurs.
Ce qui tue, c’est l’absence d’aïoli. Je ne vous ferai pas la honte de vous indiquer cette recette : ail, huile, mortier, pilon, un bon poignet, car il importe de tourner vivement. Dès que votre alimentation se ralentit, à la façon de Barbari-Bouchard, mon ami, zou, en avant pour l’aïoli !…

En avant par delà les tombeaux ! comme disait Goethe, auquel, en fin de compte, je préfère Mistral. »

Léon Daudet

Ail-Pod, pour faire chanter l’aïoli

Ail-Pod, pour faire chanter l’aïoli

« Les fourmis n’aiment pas le flamenco » d’Auguste Derrière, aux éditions « Le castor Astral », novembre 2011

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Les escargots, grands amis de l’aïoli

Extrait de « Curnonsky, prince des gastronomes ou les petites histoires de la grande cuisine », un ouvrage inédit des interviews de Curnonsky par René Ginet, offert par les vins Nicolas et édité par Havas Conseil en 1971

Curnonsky – Savez-vous comment on prépare les escargots ?

Ginet – Ma foi… je me contente de les manger.

Curnonsky – Il est essentiel de rappeler qu’avant tout et dans tous les cas, les escargots doivent être soumis à un jeûne très sévère pendant 2 à 3 jours.

Ginet – Et privés de dessert le 4e ?… En tous cas, je trouve ça cruel.

Curnonsky – Sans doute, Ginet, mais le jeûne préalable est indispensable pour éviter un empoisonnement, car les escargots, qui sont très voraces, peuvent avoir absorbé des plantes nuisibles pour les humbles mortels que nous sommes… Il importe de bien les laver, et à plusieurs eaux, et de les faire soigneusement dégorger.

Ginet – Il vaut mieux, je crois, que les escargots soient protégés par le petit opercule qui ferme la coquille dès le début de l’hiver.

Curnonsky – je ne l’ignore point en effet. Ça veut que l’escargot est un mollusque d’intérieur et qui aime son chez soi.

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Helix aspersa aspersa, le Petit-gris de l’aioli

Helix aspersa aspersa, le Petit-gris, est une sous-espèce d’escargot (Gastropoda) de la famille des Helicidae du genre Helix et de l’espèce Helix aspersa.

Le petit-gris est un gastéropode mesurant entre 28 et 35 mm pour un poids adulte de 7 à 15 g. Il porte une coquille calcaire à motifs variables mais le plus souvent brune rayée de noir. Sa spirale (Helix en latin) tourne généralement dans le sens des aiguilles d’une montre (on rencontre 1 sénestre sur environ 20 000 escargots).
Helix aspersa est sourd et quasiment aveugle mais ses tentacules sont équipés de deux « nez » (épithéliums olfactifs) très puissants. Simplement en balançant ses tentacules pour détecter les odeurs qui l’entourent, l’escargot peut repérer une cible à plus d’une centaine de mètres. 99 % de l’activité de l’escargot (y compris ses « repas ») a lieu de nuit avec un pic deux à trois heures après la tombée de la nuit. La fraîcheur nocturne et la rosée facilitent les déplacements.

L’ail, tout savoir… ou presque !

L’ail, tout savoir… ou presque !

Extrait du « Livre des épices, des condiments et des aromates » par Louis Lagriffe, Robert Morel éditeur, 1968

« Avec le chou, le poireau et la pomme de terre, l’ail est un de nos plus populaires légumes, mais c’est aussi le patriarche des oignons, échalotes, ciboules, ciboulettes, rocamboles, tous de la grande famille des “allium”.

 

CARACTERISTIQUES

L’ail, de la famille des liliacées, est caractérisé par ses bulbes, appelés vulgairement « têtes d’ail » et formés de caïeux ou gousses d’ail, comprimés sur les côtés et renfermés dans une tunique commune, mince, blanche ou rose pâle ; les feuilles sont planes, longues et étroites ; la plante ne fleurit pour ainsi dire pas dans nos régions et se reproduit à l’aide des caïeux.

L’odeur caractéristique exhalée par les gousses est due à une huile essentielle volatile formée presque entièrement par du sulfure d’allyle.

On en cultive plusieurs variétés :

– l’ail commun, à gousses de couleur blanc argenté ;

– l’ail rose hâtif, plus précoce, à gousses de couleur rose ;

– l’ail rouge, aux caïeux gros, courts et rouges vineux.

Le nom latin d’allium est dérivé de « alle” qui signifie chaud, dans la langue des populations celtes qui appelaient assez dédaigneusement les Latins « des mangeurs d’ail « .

Chaque civilisation semble d’ailleurs s’être ingéniée à donner à l’ail une appellation particulière.

Pour les Hébreux, l’ail était le “sum”, onomatopée désignant une odeur fâcheuse. Les Grecs reprirent l’idée de ce désagrément bien particulier en lui conférant le nom de « skorodon” ou rose puante.

Les Latins lui ont heureusement conservé la racine celte en lui conférant le nom primitif d’allum, devenu allium par la suite et maintenu par les botanistes qui lui ont ajouté, suivant les espèces, des épithètes plus ou moins barbares : allium sativum, pour désigner l’ail commun ; allium ursinum ou ail des ours ; allium ampeloprasum ou ail d’Orient.

Le langage populaire a ouvert largement ses portes à l’ail qui est tour à tour le chapon, la perdrix, la rocambole, le faux nard, l’herbe aux sept chemises, l’herbe aux neuf vertus, suivant les variétés et surtout ses propriétés.

Originaire des steppes de l’Asie centrale et probablement apporté par les hordes mongoles, l’ail est connu depuis la plus haute antiquité avant de se répandre autour du bassin de la Méditerranée où il a été rapidement utilisé et apprécié.

 

HISTOIRE

La première mention de l’ail est fort ancienne, 450 ans avant Jésus-Christ, Hérodote précise dans son Histoire qu’une inscription était gravée sur la pyramide de Ghizeh, rappelant que, chaque matin, une gousse d’ail était distribuée à chaque ouvrier travaillant à son édification afin de lui donner des forces.

A la suite des Egyptiens, les Hébreux continuèrent à lui reconnaître de merveilleuses propriétés sans se laisser rebuter par son odeur désagréable. Ils s’y étaient tellement habitués pendant les jours de servitude en Egypte qu’ils le regrettèrent fortement lorsque, dans le désert, ils n’eurent plus que la manne pour toute nourriture (NOMBRES Xl. 5).

Lorsqu’ils s’installèrent en Palestine, ils s’empressèrent de cultiver un légume aussi précieux et la Bible nous apprend que Booz en donnait, avec du vinaigre, à ses moissonneurs, à la fois pour les fortifier et pour combattre les épidémies.

Selon le Talmud, l’ail offrait 5 propriétés majeures :

il rassasie,

échauffe le corps

rend le sperme plus abondant

tue les parasites intestinaux

protège contre la peste.

Les Grecs furent, eux aussi, de grands amateurs d’ail. Homère nous parle du “moly”,  la plante à racine noire et à fleur blanche comme le lait, qui avait le pouvoir de faire obstacle aux enchantements, ce dont Ulysse ne manqua pas de se servir contre Circé l’ensorceleuse.

Aristophane ne tarit pas d’éloges sur ces vertus fortifiantes et dans plusieurs de ses œuvres, les Arcaniens et la Paix notamment, nous rappelle que les guerriers “en mangeaient pour avoir plus de forces dans les combats ».

Et pourtant, déjà, son odeur pénétrante n’était pas appréciée de tous. Les prêtres de Cybèle se virent obligés de refuser l’entrée de leur temple aux dévots qui apportaient avec eux l’odeur forte de l’ail.

Par contre, médecins et botanistes grecs s’accordaient pour en reconnaître les nombreuses vertus. Théophraste, le père de la botanique, en cultivait dans son jardinet. Hippocrate, dans son traité « des femmes stériles”, lui confère les propriétés les plus diverses : apéritives, stimulantes, diurétiques et surtout emménagogues.

« Pour savoir si une femme est apte à concevoir, il suffit de lui appliquer une gousse d’ail en pessaire et, le lendemain, si son haleine sent l’ail, elle pourra concevoir, sinon, elle restera stérile”.

Les médecins de Rome leur emboîtèrent le pas et n’hésitèrent pas à attribuer à l’ail toutes les vertus

Celse l’utilisait dans les maladies de langueur. Dioscoride, le premier, remarqua ses propriétés vermifuges et s’accorda avec Pline pour lui reconnaître des propriétés très efficaces contre l’asthme, la jaunisse, les hémorroïdes et les maux de dents.

Peu de maux lui résistaient et un poète du Bas-Empire le trouve d’une efficacité remarquable pour calmer la toux à condition de le faire bouillir et de le mélanger à du miel.

Le grand Galien n’hésite pas à l’appeler la « thériaque des paysans” après avoir vu des paysans guéris de coliques, de maux d’yeux et d’éruptions cutanées par la simple ingestion de gousses d’ail.

Malgré ces vertus reconnues, de nombreux Romains ne pouvaient s’habituer à l’haleine puante que donnait l’absorption d’ail et le précieux légume était, à cause de cela, souvent banni des cuisines patriciennes.

Horace, notamment, en était un ennemi acharné et ne manquait aucune occasion de lancer contre le précieux bulbe de virulents anathèmes :

 

« Si quelque jour un fils étranglait son vieux père, c’est par l’ail qu’il devrait périr,

La ciguë est bien moins meurtrière.”

 

La raison en était d’ailleurs toute personnelle, car ce pauvre Horace fut victime de la part de Mécène d’une aventure qui, à cause de l’ail, l’éloigna à tout jamais de Lydie sa maîtresse. Mécène, pourtant son ami, était jaloux de leurs relations intimes et trouva dans l’ail un moyen original de troubler les tendres rapports du poète et de la courtisane.

Un jour de l’année 719 de Rome, il convia l’auteur de l’Art poétique à un repas où tous les mets étaient assaisonnés d’une forte dose d’ail dont il savait que Lydie ne pouvait supporter l’odeur. Le repas terminé, Horace accourt chez sa maîtresse. Mais il comptait sans l’odeur fatale :

Lydie, indignée, fut impitoyable et le repoussa.

Plus tard, Sidoine Apollinaire s’écriait, en parlant de l’ail : “Heureux le nez qui n’est point exposé à se sentir empoisonné par cette plante” et traitait les Burgondes de barbares parce qu’ils ne cessaient de s’en régaler.

Mais l’aversion des uns n’était pas partagée par tous. L’ail, pour ses vertus fortifiantes, était très apprécié des soldats romains à tel point qu’il fut bientôt considéré comme le symbole de la vie militaire.

Il entrait, d’ailleurs, dans la préparation de nombreux plats populaires, tel ce “moretum” composé d’ail saupoudré de sel, de rue, d’ache, de coriandre, !e tout baignant dans l’huile et le vinaigre.

Après les Romains, les Byzantins qui ont transmis à la médecine populaire tant de propriétés des plantes médicinales trouvèrent dans l’ail de nombreuses vertus mentionnées par Aetius d’Amide et Nicolas le Myrepse.

Malaxé avec de la graisse d’oie et du coriandre, l’ail vient à bout des ulcères qui viennent à la tète. Bouilli avec de l’huile d’olive, il arrête les maux d’oreilles, fait disparaître les dartres et les taches des yeux. Mais il n’est pas sans danger car “il obscurcit la vue si on l’aspire, nuit à l’estomac et provoque la soif”.

Les Arabes considéraient l’ail comme un antidote remarquable contre les venins et la rage. Mahomet, lui-même, recommande d’appliquer son bulbe contre piqûres de scorpion et morsures de vipères.

Propriétés que ne manque pas de reprendre l’Ecole de Salerne qui lui confère, en outre, des vertus propres à radoucir la voix, utiles dans les affections de l’œil et également toniques contre les maladies de poitrine :

« clarificant rauxam, cruda coctaque. vocem sinapis oculi. pectoribus allia prosunt. » (cuit, cru, de la voix rauque il adoucit l’usage et l’ail pour la poitrine est un tonique heureux.)

Malgré les anathèmes et les proscriptions, notamment celles d’un roi de Castille qui, au milieu du 14e, fonda un Ordre de Chevalerie dans les statuts duquel il se crut obligé à la demande de son épouse, de spécifier que les membres de cet ordre ne mangeraient ni ail, ni oignon sous peine d’être exclus de la cour, l’ail finit par être considéré comme une panacée souveraine contre tous les maux, surtout après l’emploi qu’en firent les médecins de la Renaissance, Paracelse et Ambroise Paré en particulier, dans le traitement de la peste.

Pour le premier, l’ail était un préservatif Indiscutable contre la redoutable épidémie : « Allium pestis medicina, allum peste non inficitur”,

et le second recommande, toujours contre la peste, de faire de l’ail la base de petits déjeuners bien originaux :

“Les rustiques et gens de travail, disait-il dans son  » Traité de la peste et de la petite vérole « , pourront manger quelques gousses d’aulx avec du pain, et du beurre et du bon vin s’ils en peuvent fournir, afin de charmer la brouée puis s’en iront à leur œuvre en laquelle Dieu les aura appelés”.

Conseil bientôt repris par Bunel,  docteur régent de l’Université de Toulouse, dans son “Œuvre excellente à chascun désirant de soi de peste préserver” :

 

“Encor, pour évlctér ces maux

Porras prendre une tostée

Bien frottée avec des aulx

Et la manger la matinée

Et puis va faire ta journée

Et ne ta chaille du dangier

A bon conseil se fault rengier. »

 

Il eût été bien surprenant que Rabelais n’eût pas ajoute son mot à ces doctes conseils et, en bon gastronome qu’il était, n’eut pas continué à vanter les bienfaits de l’ail.

Sans tenir compte de “la puante aleine qui estoit venue de l’estomac du bon Pantagruel”, alors qu’il mangeait tant d’aillade, il vante les “tribars”, sorte de ragoût de tripes à l’ail qu’on servit à l’occasion du mariage du roi des Amaurotes.

A cette époque, il y avait surtout l’aillade, l’aillousse, qui faisait les délices de tous, ainsi que nous le rapportent les “Cris de Paris“ :

« Verjus de grains à faire aillie

Oiseaux, pigeons et chars sallées

Et de l’ailliea griant planté”.

L’ail était un mets de tous les pays, on en mettait sur le pain et en Angleterre il y avait des marchands spéciaux ce qui permettait à Shakespeare de dire :

« Il voudrait bien se décoter avec une mendiante malgré sa bonne odeur de pain noir.“

La Fontaine en parle, lui-aussi, dans le “Conte du Paysan“ :

“Il vous faudra choisir après cela de cent écus ou de la bastonnade pour suppléer au défaut de l’aillade. »

L’aillade était préparée de différentes façons : il y avait celle des pauvres, faite d’ail pilé, de lait et de fromage mou qu’ils employaient pour assaisonner la viande bouillie ou rôtie, et celle des riches composée d’ail, d’amandes, de lait et de mie de pain, le tout pilé ensemble et trempé dans un peu de lait ou de bouillon.

 

THERAPEUTIOUE

Après ces maîtres de l’antiquité et ceux de la Renaissance, les médecins des siècles suivants n’eurent plus, en raison de tant de vertus attribuées à l’ail, qu’à les copier docilement. Cependant, ils en ajoutèrent d’autres, tirées pour la plupart de l’empirisme des paysans, tellement l’ail est resté populaire et d’un emploi constant dans les campagnes.

Comment pourrait-il en être autrement depuis qu’Henri d’Albret, grand-père du plus populaire de nos rois, se fit donner une gousse d’ail « dont il luy frotta ses lèvres, lesquelles il se frippa l’une contre l’autre comme pour sucer”, afin de lui procurer force et vigueur et le prémunir contre toutes les maladies.

Avec de telles lettres de noblesse, le paysan de France ne pouvait oublier ni le bon roi Henri ni son ail. C’est pourquoi, dans presque la moitié de nos vieilles provinces, l’ail agrémenté pour la circonstance de quelques autres légumes et de plantes aromatiques sert de base à un aliment remède des plus populaires : la fameuse soupe à l’ail administrée à tous les enfants pour le plus grand profit de leur santé.

Avant tout, c’est surtout comme vermifuge que l’ail leur est donné. A cet effet, deux ou trois gousses sont hachées avec quelques brins de persil et mises dans l’huile d’olive. Le tout est étendu sur une tartine de pain pour faire !e fameux « chapon » apprécié de tous, petits et grands.

Parfois on lui préfère, pour les enfants, le sirop confectionné à raison de 100 g d’ail pour 200 g d’eau et 100 g de sucre.

Les paysans savent aussi profiter des propriétés stomachiques de l’ail pour faciliter les digestions ;  ils en font souvent un véritable tonique aussi bon que le quinquina tandis que dans les affections pulmonaires, ils l’utilisent pour faciliter les expectorations et diminuer, voire calmer, aussi bien les quintes de toux chez l’enfant que les crises d’asthme chez l’adulte.

A l’extérieur, il est également mis à heureuse contribution en pansements contre les plaies, les ulcères variqueux et les piqûres de guêpes qui sont souvent soulagées par le simple frottement d’une ou deux gousses sur la partie malade ou envenimée.

Et fatalement, il est arrivé que l’empirisme donne naissance à un emploi plus scientifique et rationnel de la petite gousse et de ses caïeux. Tout récemment, les travaux de Lœper et de Ripperger ont attiré l’attention du Corps Médical sur ses propriétés hypotensives, en teinture alcoolique, à raison de 20 à 30 gouttes auxquelles on ajoute quelques gouttes d’anis pour en rendre l’absorption plus agréable.

Aujourd’hui, l’ail est considéré comme :

– antiseptique, vermifuge, hypotenseur, carminatif, diurétique et spasmolytique.

Il est employé comme prophylactique des maladies contagieuses, les pneumopathies, les parasites intestinaux, l’hypertension artérielle, la coqueluche…

On l’emploie sous forme d’alcoolature il raison de 20 à 30 gouttes 2 fois par jour :

– de sirop, une partie d’ail pour deux d’eau additionnée de sucre,

– de vin vermifuge : 20 à 30 g par litre plus autant de feuilles d’absinthe.

– de liniment obtenu par 2 gousses écrasées dans 2 à 3 cuillerées d’huile ou de saindoux,

– de suc, de décoction…

Parallèlement à la médecine officielle, guérisseurs et empiriques continuaient à trouver dans l’ail une source de bienfaits, en lui donnant des modes d’emploi bien particuliers.

En période d’épidémie, rien de tel que des sachets ou des colliers suspendus au cou des enfants. Contre les vers un cataplasme d’ail pilé et mis sur le nombril est remarquable. Contre les maux de dents, de l’ail râpé mélangé à des fleurs de mauve mis dans la dent cariée les suppriment à coup sûr. Pour se débarrasser d’un orgelet, il suffit de se frotter la paupière avec une gousse d’ail coupée en deux. Contre les cors au pied, les durillons ou les verrues, il suffit d’appliquer une gousse d’ail cuite au four pour enlever toute gêne et toute douleur.

N’oublions pas, pour être complet, que les propriétés antiseptiques et bactéricides, dues à son essence, ont été largement utilisées, à toutes les époques, pour combattre les épidémies de toute nature d’où son emploi dans le “Vinaigre des 4 Voleurs“. Et constatons, non sans une certaine crédulité, qu’en Chine, pays où l’ail est consommé en grande quantité, le cancer est très rare.

Ce n’est certainement pas sans raison qu’une variété d’ail, le “radix victorialis longa » était considéré comme une racine magique qui garantissait la victoire et la vie sauve aux soldats qui le portaient d’où son nom de “victoriale“ tandis qu’à l’opposé, les “tires au flanc” savaient l’utiliser, sous forme de suppositoire, pour se donner de la fièvre sachant bien que le major n’irait pas renifler dans la partie intime de leur individu, l’odeur désagréable de l’ail et trouver la cause de leur malaise.

 

D’ailleurs, les moyens sont nombreux pour masquer cette fameuse odeur. Depuis Dioscoride qui prônait les blettes, les fèves crues ou la rue, d’autres préféraient mâcher une pomme râpée en même temps que des feuilles de cerfeuil ou, mieux encore, absorber quelques gouttes d’essence d’angélique. Mais le plus plaisant traitement, sinon le plus efficace pour faire disparaître cette odeur parfois trop forte, c’est celui préconisé par Thomas Morus qu’il est difficile, pour la convenance, d’exprimer autrement que dans la langue de Virgile:

“Denuo foetorem si vis depellers coepae

Eoc facile efficient allia mansa tibi :

Spiritus at si post etiam gravis allia restat

Aut nihil aut tantum tollere merda (sic) potest.“

 

Reste à savoir si ce brave Thomas Morus employait lui-même le procédé qu’il préconisait avec tant de réalisme. Panacée universelle, véritable source de jouvence, il est des bonnes femmes de campagne qui y voient le secret de la santé et se contentent de recommander de croquer une gousse d’ail, chaque matin à jeun.

 

GASTRONOMIE

Aussi ne faut-il pas s’étonner si l’ail jouit auprès des gastronomes d’un prestige inégalé. Les inconvénients de son odeur ne sont que mineurs à côté de la satisfaction qu’éprouvent les gourmets à se régaler d’une brandade de morue, d’un plat de cèpes à la Bordelaise, d’un tendre gigot farci à l’ail, de l’aïoli ou même d’une simple salade bien fournie de chapons.

Mis dans le pot au feu, l’ail augmente la saveur du bœuf bouilli; piqué dans la  “souris », il communique au gigot un goût agréable; souvent après avoir fait blanchir des gousses d’ail, on les cuit à la lèche-frite afin de recevoir le jus qui coule d’un rôti ; puis en dressant la viande, on la recouvre de la sauce ainsi obtenue et que l’on sert à pleines cuillerées.

Quant aux salades, certaines, notamment la chicorée, seraient bien fades si on n’avait pas pris la précaution de frotter le saladier avec de l’ail que l’on écrase ensuite sur des croûtes de pain.

Voici une recette qui plaira aux gastronomes d’âges mûr, désireux de prolonger leur vie et leur jeunesse avec son cortège d’agréables illusions, recette tirée d’un traité de cuisine de 18e et pratiquée par nos grands-pères qui étaient de fins connaisseurs :

”Purée d’ail aux truffes : les gousses d’ail étant épluchées, les blanchir dans une grande quantité d’eau puis changer l’eau pour les faire cuire. D’autre part, faire cuire selon les règles de l’art une quantité égale de truffes du Périgord. Passer au tamis l’ail et les truffes, mélanger les deux purées ainsi obtenues. Assaisonner avec du beurre, ajouter sel et poivre de Cayenne et un peu de sauce Béchamel.”

La sauce ainsi obtenue accompagne parfaitement le gibier ou le poisson et convient particulièrement à toutes les personnes affaiblies qui ont besoin de récupérer toute leur vigueur tant morale que physique qu’ils pouvaient croire à jamais perdue.

Pour terminer cette étude médico-gastronomique, qu’il nous soit permis d’y ajouter un brin de poésie et de citer un sonnet, vantant les bienfaits du chef-d’œuvre de toutes les préparations culinaires à base d’ail ; l’inégalable ailloli provençal :

 

“Dans ce monde frivole où les meilleures choses

Ont le pire destin et meurent dans l’oubli

L’arôme d’un baiser, le doux parfum des roses

Tout passe… on garde mieux l’odeur de l’ailloli.

 

Pénétrante senteur, quel délire tu causes

Fleurs comme baume, et l’air en est rempli

Ton éloge exhalé mêmes des bouches closes

Nargue le vetyvier, l’ambre et le pateouli.

 

Ce beurre de nectar, qu’Hébé servait sans guimpe,

Etait tout simplement l’ailloli de l’Olympe

Il nourrissait les Dieux ; il réveille les morts.

Comus, pour le créer, choisit trois blondes gousses

Mit force jus de coude et, des flots d’huile douce

Sortit ce mets ardent comme un cheval sans mors.”

L’ail, la thériaque du pauvre, le plus vulgaire des condiments, est cependant la plante aromatique dont les effluves ont le plus inspiré les poètes. Depuis Aristophane, Horace, Busnel, la Fontaine et autres, jusqu’à Méry qui, en bon Marseillais, lui a rendu le plus beau des hommages dans sa célèbre “Ode à l’ail” :

« Tout ce qui porte un nom dans les livres antiques

Depuis David, ce roi qui faisait des cantiques

Jusqu’à Napoléon, empereur du Midi,

Tout a dévoré l’ail, cette plante magique

Qui met la flamme au cœur du héros léthargique

Quand le froid le tient engourdi.”

L’ail, ingrédient essentiel de l’aïoli ?>

L’ail, ingrédient essentiel de l’aïoli

 

Le nom de cette plante tire son origine du latin “allium” sur le latin classique “alium”. Ce nom semble italique même s’il existe aussi le terme aglis en grec classique pour désigner la gousse d’ail et le terme aluh en sanskrit pour une plante à bulbe. En grec moderne, c’est skordo de skorodoprason.

Le mot latin est à l’origine du provençal alh, aill, du catalan all, de l’espagnol ajo, du portugais alho, de l’italien aglio, le romanche agl. Ces différentes déclinaisons s’expliquent par la gémination du l qui se palatalise alors et qui dégage un yod. Le phénomène est occidental, le roumain utilise « usturoi » en langue littéraire. Pourtant, en langage populaire, les roumains utilisent le mot « ai » (lu comme le français « ail », d’ailleurs, on retrouve l’aioli, en tant que sauce, dans la cuisine roumaine! Par contre, la recette ne contient que 3 ingrédients : ail, huile et sel, comme dans la recette traditionnelle méditerranéenne).

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La morue, l’apport maritime à un plat si terrien

La morue, l’apport maritime à un plat si terrien

« Morue (ou cabillaud) est un nom vernaculaire désignant, en français, des poissons de plusieurs espèces de l’ordre des Gadiformes. Ces poissons vivent dans les eaux froides. Auparavant plus que populaire et quasi méprisé, ce grand poisson est aujourd’hui à la carte de nombreux restaurants pour sa saveur et son adaptabilité. Sa chair est particulièrement appréciée car, dépourvue de fines arrêtes, elle se détache facilement de l’épine dorsale et des robustes côtes.

Le terme « cabillaud » est apparu dans la langue française en 1278. Il vient du néerlandais kabeljauw. Quant au terme de « stockfish », moins usuel, c’est un mot d’origine allemande utilisé pour désigner des filets de cabillaud (Gadus morhua) séchés à l’air libre.

En matière de pêche, le nom « cabillaud » peut être réservé aux morues d’âge mûr, alors que le terme « morue » est employé de préférence pour les individus jeunes.

Sur le plan gastronomique, « cabillaud » s’emploie pour désigner le poisson frais ou surgelé par opposition à « morue » qui s’applique au poisson séché et salé. C’est ce dernier qui sera privilégié pour l’aïoli.

La morue salée se présente essentiellement sous trois formes : la morue entière, les filets (avec ou sans peau) et les miettes (chutes des filets). La morue entière et les filets sont classés en différentes catégories selon la qualité (taille et épaisseur, taux d’hygrométrie résiduelle, aspect visuel et au touché…).

Dans tous les cas de dessalage, prévoir un récipient suffisamment grand pour contenir la morue en sachant que le dessalage et la réhydratation fera augmenter le volume du produit de 2 à 3 fois.

L’eau est indispensable à l’aïoli !

L’eau est indispensable à l’aïoli !

Raymond Thuilier, « Les grandes heures de Baumanière », éditions Ouest-France, 1982

« Au hasard de mes randonnées professionnelles à travers la Provence, j’ai découvert surtout dans l’une de ces vieilles demeures marseillaises du quai de Rive Neuve, haut perchée sous les toits, une salle à manger aménagée comme un mas de Crau où un certain Maurice Brun, qui n’était pas lyonnais quoiqu’en dît Pagnol, eut son heure de gloire dans les annales de la gastronomie provençale.

Il était l’homme de la cuisine à l’huile d’olive et il qualifiait le beurre de « cosmétique ». J’eus avec lui des discussions mémorables à ce sujet. J’avoue humblement ne l’avoir jamais convaincu.

Un jour, il me confia le secret de l’aïoli qui avait fait sa réputation.

Il était l’homme de la cuisine à l’huile d’olive et il qualifiait le beurre de « cosmétique ». J’eus avec lui des discussions mémorables à ce sujet. J’avoue humblement ne l’avoir jamais convaincu.

Un jour, il me confia le secret de l’aïoli qui avait fait sa réputation.

L’aïoli est absolument exclu de notre table pendant toute la saison chaude et dans la saison fraîche, il est exclusivement mets de déjeuner et généralement du vendredi.

Le surcroît d’aliments carbonés qu’il apporte à notre organisme et le travail digestif qu’il réclame, nous le rendent insupportable l’été et pendant nos nuits, si nous voulons le repos.

Mais cette réserve faite, il est certain que notre « aïoli» constitue à lui seul un repas complet, infiniment agréable et qui est loin de manquer de caractère. Malheureusement, du fait de l’incontestable succès dans l’alimentation humaine de l’ignoble huile d’arachide, pour masquer son mauvais goût, on a forcé sur l’ail en notre sapide crème. L’esprit d’économie a, lui aussi, secondé cette exagération. Il est devenu courant, presque normal, qu’un aïoli vous emporte « la gueule ». « L’oli », même si elle est d’olive, est devenue accessoire.
Certes, le goût violent de l’ail doit être prédominant, mais il ne faut pas que son excès nuise à la dégustation des délicats bouquets de notre huile tant « goustouso ». Retrouver dans notre crème alliacée tous les parfums de nos crus oléicoles n’est pas un des moindres plaisirs que procure l’ingestion de ce mets, constituant à lui seul, je le répète, un repas.

Ma gourmande de mère n’employait qu’une gousse pour six personnes et je crois qu’une pour quatre doit être un maximum. Il faut respecter, pour la préparer, certaines choses :

Toute mayonnaise ou rémoulade – donc, notre « aïoli » étant une émulsion, le froid gêne sa constitution et toute huile gelée doit être légèrement réchauffée avant emploi. L’eau, l’aqua simplex, est un élément indispensable. Si, pour les rémoulades et mayonnaises, le vinaigre ou le citron fournit cette eau, l’infime qualité contenue dans la gousse et le jaune d’œuf ne peut suffire: il faudra ajouter un peu d’eau, très peu, au cours de son « montage » si on ne veut pas courir le risque de le voir « tomber ». L’instrument idéal est du fait de son poids, un lourd mortier de marbre.

Après avoir incorporé un jaune d’œuf à l’ail finement pilé avec un peu de sel, on ajoute avec maintes précautions et à tout petit filet, l’huile d’olive : le suc vert doré de l’huile intervient alors tandis que le pilon, par son mouvement giratoire, crée la savoureuse liaison, l’onctueuse union.

La crème prend alors consistance mais plus elle devient compacte, plus les risques d’échec sont importants ; plus « l’aïoli » devient dur, plus il est près de tourner de l’œil, de s’affaisser en piteuse marmelade. C’est pourquoi alors qu’il est semi-solide, très peu d’eau lui sera incorporé : elle éclaircira nettement sa teinte et donnera à 1′ »aïoli » naissant une apparence crémeuse qui lui évitera une chute.
On pourra alors verser l’huile avec moins de parcimonie, en quantité sans cesse croissante: chaque ajout ne devra pas excéder le quart environ du volume de la crème. Cet apport répété d’huile va à nouveau durcir notre « aïoli », lui rendre sa consistance semi-solide. A nouveau donc, interviendra l’eau pour le rendre crémeux: il sera alors efficacement et définitivement à l’abri de toute chute.

Je sais que la plupart de nos provençales ignorent ce « truc » de l’eau. Mais quelles appréhensions sont les leurs! De quels soins patients n’entourent-elles pas la confection de notre mayonnaise régionale, laquelle n’en demande pas tant ! Quelles superstitieuses croyances président à son élaboration ! Trois personnes autour du mortier et votre « aïoli » est raté ! Que le pilon change un instant de sens giratoire et patatra, c’est la catastrophe ! Le regard d’un curieux, son souffle, et voilà notre crème en déliquescence !

Il est vrai que monter un « aïoli » sans l’aide de l’eau tient plus de l’acrobatie que de l’art culinaire ! Il faut toujours maintenir la crème très dure et verser l’huile au compte-gouttes de façon que le pilon puisse mécaniquement crever les cellules dont le contenu pourra alors se lier au suc de l’olive; pour ce travail mécanique, un milieu solide et compact est évidemment indispensable. »

L’aïoli, un monde de passions, avec ou sans oeuf ! ?>

L’aïoli, un monde de passions, avec ou sans oeuf !

Echanges « sublimes » glanés sur un forum de discussion de passionnés de cuisine (www.aftouch-cuisine.com) : Sauce aïoli       Date : 08-05-2007 12:40 Auteur : A. de Just Pellicer Commentaire de la recette de la page : www.aftouch-cuisine.com/recette/sauce-aioli-207.html Là aussi, je me permets une observation! Le mot aioli veut dire ail et huile. L’aioli se monte, en écrasant dans un mortier, des gousses d’ail et en y ajoutant peu à peu l’huile pour former ainsi une émulsion translucide. Dans l’aioli, on ne met…

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