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L’aïoli fada !

Dans les années 80, quand je suis venu vivre dans la Vallée des Baux-de-Provence, j’ai découvert un vendredi un plat extraordinaire : l’aïoli ! C’était au Bistrot du Paradou, un vendredi d’hiver. Depuis, je m’amuse à collectionner, plutôt compiler, toutes les informations que je trouve sur ce plat historique et vivant. Je continue d’en manger souvent. Vous devriez en faire autant. David Hairion Le Cousinié Macàri, pseudo du célèbre Frédéric Mistral,  présente l’aïoli comme la base de l’identité culinaire provençale : “L’aïoli…

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Le festin occitan

Le festin occitan

Texte sur l’aioli, extrait de l’ouvrage de Prosper Montagné, le Festin Occitan, Atelier du Gué, 1929, p.35-39

L’ail, avons-nous dit, est l’accent, la dominante, d’une foule de mets languedociens. C’est
surtout dans l’Ailloli que s’affirme sa souveraineté. A cet ailloli, un poète anonyme – un
Occitanien sûrement – a consacré un sonnet. Le voici:

Aillloli.

Dans ce monde frivole où les meilleures choses ont le pire destin et meurent dans l’oubli,
‘arome d’un baiser, le doux parfum des roses tout passe… on garde mieux l’odeur de

ailloli.

Pénétrante senteur, quel délire tu causes!
Tu fleures comme un baume, et l’air en est rempli, ton éloge exhalé même des bouches
closes nargue le vetyver, l’ambre et le patchouli.
Ce beurre de nectar qu’Hébé servait sans grimpe était tout simplement l’ailloli de
l’Olympe, il nourrissait les Dieux, il réveille les morts.
Comus, pour le créer, choisit trois blondes gousses mit force jus de coude et, des flots
huile douce,
Sorti ce mets ardent comme un cheval sans morts.
La recette incluse dans ce sonnet, bien que très poétique, est quelque peu imprécise.
Voici celle que donne pour cette exquise sauce provençale, et qui se fait aussi en
Languedoc, A Caillat qui, lui, écrit : « aïoli » et non « aïlloli », ainsi que le veut l’Académie.

Aïoli.

« Piler dans un mortier quatre ou cinq gousses d’ail, ajouter un jaune d’œuf et une
pincée de sel; verser ensuite, peu à peu, en tournant avec le pilon, un quart de litre
d’huile. A mesure que la pommade épaissit exprimer dedans le jus de citron et ajouter
quelques gouttes d’eau. »
Il arrive parfois que, durant cette opération, l’aïoli se décompose et « tombe », comme
on dit, il faut alors le sortir du mortier, remettre dans celui-ci un second jaune d’œuf et
lui incorporer peu à peu l’aïoli tourné: il doit être réussi et d’une épaisseur convenable. »
Il est une autre façon de faire l’ailloli. Nous l’indiquons pour la forme seulement, car
nous estimons que, seule est conforme au principe provençal, la recette de Caillat:

Ailloli.

« Mettez dans un mortier trois gousses d’ail épluchées; pilez-les jusqu’à ce qu’elles soient
réduites en pâte; Ajoutez-leur la moitié d’une pomme de terre cuite à l’eau et mise en
purée, ou gros comme une noix de mie de pain trempée dans du lait et exprimée ensuite.
Broyez pour bien homogénéiser la pâte, et ajoutez, mise petit à petit, de l’huile
d’olive, en triturant toujours.
Quand l’ailloli a l’apparence d’une sauce mayonnaise bien mousseuse, ajoutez
une cuillerée à bouche d’eau froide, le sel nécessaire, une prise de poivre blanc et un filet
de jus de citron. »

En Provence, et aussi en Languedoc, l’ailloli (dit aussi « aïoli » et encore « ayoli ») n’est pas
seulement une simple sauce, une simple émulsion d’huile et d’ail analogue à la
mayonnaise et que l’on sert avec un mets quelconque.
L’ailloli est un plat complet, composé d’un unique ou de plusieurs éléments, dont la
sauce susdite est l’accompagnement obligatoire.
On sert cette sauce soit avec des poissons bouillis tels que maquercaux fiélas,
sardines, morue, etc.., soit avec des escargots de vigne; soit avec des légumes divers
cuits à l’eau: gros haricots verts, choux-fleurs, carottes, pommes de terre nouvelles, etc.
On sert aussi l’ailloli avec la Bourride, variété de bouillabaisse très prisée dans la
région Marseillaise – ce qui nous éloigne un peu du Languedoc – soupe dont, d’après le
poète Méry, l’invention est due à Thestyllis, la cuisinière de l’auteur de l’Enéide (mais les
poètes se permettent toutes les licences !) et qu’un autre poète provençal, Toussaint
Gros a ainsi chantée:
« Horace, se l’avies tastado,
Ben luen de l’abe blastemado
L’auries douna toun amitié
Auries miés estima ta testo courounado
d’un rez d’ayet que de lauzié…
ce qu’en français il aut ainsi traduire:
« Horace, si tu l’avais goûtée,
bien loin de l’avoir blâmée,
tu lui aurais donné ton amitié,
tu aurais mieux aimée ta tête couronnée
d’une chaîne d’ail que de laurier…
(La Bourrido dei Dieoux)

L’aïoli, onguent ensoleillé

L’aïoli, onguent ensoleillé

Par Jean-Claude Ribaut « Le Monde » 3 août 2011

Antiseptique, apéritif, expectorant, fébrifuge, résolutif, rubéfiant  et stomachique : les qualités autrefois reconnus à l’ail sont innombrables.

Même le coach minceur à la mode, Pierre Dukan, confirme aujourd’hui les vertus amaigrissantes de l’allium sativum des Anciens. Le libelliste facétieux Alphonse Karr a beau que « la botanique est l’art de dessécher les plantes entre les feuilles de papier brouillard et de les injurier en latin », une telle unanimité en impose. L’ail n’a pour ennemis, hormis les vampires, que les viagers, car il prolonge la vie du papet, au mas. Omniprésent dans la cuisine de Provence, il est parfois apprécié pour des raisons douteuses : « Il a aussi une vertu : c’est de chasser les mouches. Ceux qui ne l’aiment pas (…) ne viendront pas de cette façon baguenauder à notre entour. Nous resterons en famille », ronchonnait Frédéric Mistral (1830-1914). Mais ceux qui l’aiment « sont les bienvenus en Provence », corrige un félibre moins chauvin qui lui. A Piolenc (Vaucluse), l’Auberge de l’Orangerie se prépare pour le 32ème Festival de l’ail, dont le clou sera, samedi 27 août, un grand « aïoli dansant » ! L’Aïoli, émulsion d’ail et d’huile d’olive à laquelle il est d’usage d’ajouter un jaune d’œuf et du citron, est une sauce obtenue par giration du pilon dans un mortier. C’est aussi, par cratylisme, le nom d’un plat familial de morue, escargots, œufs durs et légumes pochés, servi avec cette sauce au goût énergique et prolongé. Après l’avoir dégustée, Curnonsky (1872-1956) recommandait par galanterie « de ne plus parler qu’à la troisième personne ». Aussi, pour apprivoiser l’aïoli, Jacques Megean, cuisinier à Carpentras, avait coutume, dans les années 1990, de pocher des gousses d’ail entières, fendues en deux et dégermées, avec un peu de gingembre. Il exprimait ensuite à l’aide du moulin à légumes et du tamis 60 grammes de purée d’ail, qu’il malaxait avec un jaune d’œuf avant d’introduire-goutte à goutte- deux décilitres d’huile d’olive vierge puis le jus d’un demi-citron.

La verve poétique ne pouvait épargner l’aïoli : « Venus, dis, lou li faguè tant dur/qu’au mourtié lou trissoun tenié tèsto levado » (Vénus le lui fit si dur/que le pilon tenait droit dans le mortier). Fine allusion du poète provençal Jean-Baptiste Germain (1701-1781) aux vertus aphrodisiaques de cette liliacée. Culte lui est rendu de Lautrec (Tarn), où on célèbre l’ail rose, à Arleux (nord), ou l’ail fumé est roi. Et jusqu’à Gilroy (Californie), Capitale mondiale autoproclamée de l’ail, qui élira le 31 juillet Miss Garlic !

L’Aïoli, journal mythique

L’Aïoli, journal mythique

L'Aïoli, journal mythique

Un beau dimanche de printemps, le 21 mai 1854, dans une humble salle d’auberge de Font-Ségugne, sept poètes étaient assemblés : Mistral, Roumanille, Aubanel, Anselme Mathieu, Brunet qui avait une face de Christ, fut capitaine de pompiers et mourut dans la misère, un paysan, Tavan, et Paul Ciéra. Mistral avait pris, dans un poème consacré à saint Anselme, le mot « félibre » qui désigna désormais tout poète provençal de langue d’oc, comme le félibrige désigna l’oeuvre et l’association dont sainte Estelle, grande sainte de Provence, va être la patronne.

Tous des amis, joyeux et libres,
de la Provence tous épris,
c’est nous qui sommes les félibres,
les gais félibres provençaux !

Et, plus tard, Mistral dira : “Ce sont les félibres qui, cherchant dans l’histoire, les nobles souvenirs qui peuvent élever fraternellement les coeurs, prêchent le respect de toutes les patries…”.

Le premier geste de ces éveilleurs, de ces sonneurs de clairon, fut de publier, à l’aurore de 1855, cet Almanach provençal, recueil de contes, de poèmes et de chansons, qui est resté célèbre. Mistral y écrivit lui-même des contes charmants qui ont été traduits en plusieurs langues.

Ainsi le Félibrige, enfant de la Provence,
réveillait en chantant le Midi endormi ;
et des brins d’olivier que la Durance pousse
il couronnait gaiement les joies et les souffrances
du peuple, son ami.

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Le 6 janvier 1891, Mistral fonde un journal provençal, L’Aioli, qui vécut jusqu’en 1898, un an après l’apparition du chef-d’oeuvre de Mistral : le Poème du Rhône, qui est l’aventure du prince d’Orange à barbiche blonde, parti à la recherche de la Nymphe, « belle et pure, claire et vague, que l’esprit conçoit et désire ». Le prince rencontra, sur le bateau de Maître Apian, l’Anglore, la jeune fille rêvée, qui ramassait des paillettes d’or sur les rives du Rhône. Mais, au retour de la foire de Beaucaire, une catastrophe engloutit le prince, la jeune fille, et la fortune de Maître Apian. En des vers uniques, étincelants, qui sonnent comme des fanfares, le poète a décrit l’incessant mouvement du Rhône, au temps où le bateau à vapeur n’avait pas encore remplacé les barques tirées par des chevaux…

L’homme à l’aïoli, un santon de la crèche provençale ?>

L’homme à l’aïoli, un santon de la crèche provençale

L’homme à l’aïoli prépare la sauce. Il est assis sur un petit mur en pierres, un torchon sur ses jambes, il a coincé le mortier de marbre sur ses genoux. De la main droite il manie le pilon en olivier pour monter la sauce, la bouteille d’huile d’olive posée au sol reste à portée de main au cas où il faille encore en ajouter…