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L’aïoli fada !

Dans les années 80, quand je suis venu vivre dans la Vallée des Baux-de-Provence, j’ai découvert un vendredi un plat extraordinaire : l’aïoli ! C’était au Bistrot du Paradou, un vendredi d’hiver. Depuis, je m’amuse à collectionner, plutôt compiler, toutes les informations que je trouve sur ce plat historique et vivant. Je continue d’en manger souvent. Vous devriez en faire autant. David Hairion Le Cousinié Macàri, pseudo du célèbre Frédéric Mistral,  présente l’aïoli comme la base de l’identité culinaire provençale : “L’aïoli…

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Une recette mythique de l’Aïoli !

Une recette mythique de l’Aïoli !

Incroyable cette recette, car elle organise dans le temps les multiples actions pour réussir cet immense plat qu’est l’aïoli ! On la doit à Austin de Croze, de son vrai nom Joseph Augustin de Croze-Magnan (1866-1937). Un écrivain français, folkloriste, musicien, journaliste, auteur gastronomique… qui a fait paraître cette recette en 1935 (La France à table, N°6, Mars 1935, sur La Provence), alors qu’il inventoriait le patrimoine culinaire français. Il se qualifie lui-même de provençal né à Lyon.

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Manger un aïoli, en Provence, une sorte d’évidence…

Manger un aïoli, en Provence, une sorte d’évidence…

Place de l’Hôtel de ville d’Aix, 1930

Jaume Guiran (Jacques Guiran dit), Place de l’Hôtel de ville d’Aix, 1930

On est peut-être vendredi. En Provence, quelque part entre Arles, Avignon, Aix, Marseille et pourquoi pas au Paradou ! Il fait froid, le Mistral vraisemblablement. Le vent emmène les feuilles des platanes majestueux qui font leur ombre. La belle lumière est là. Bientôt, on sera tous autour de la table. L’aïoli sera dur et odorant, d’un jaune délicieusement vert. Le triomphe de l’ordinaire. Les oeufs durs, les carottes fumantes et tendres, la morue onctueuse, le pain, les escargots, les patates… On ouvrira un rosé de Matthieu très frais. miam-miam. Quelque chose d’irrésistible…

Autour d’un bon Aïoli…

Autour d’un bon Aïoli…

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Frédéric Mistral (1830-1914)

« Autour d’un bon ailloli, bien monté et odorant et roux comme un fil d’or, où sont, répondez-moi, les hommes qui ne se reconnaissent point frères ? »

Au Relais du Castelet, à Fontvieille (Bouches-du-Rhône), chez Jean-Baptiste, un superbe aïoli ce jour d’hiver 2019 ?>

Au Relais du Castelet, à Fontvieille (Bouches-du-Rhône), chez Jean-Baptiste, un superbe aïoli ce jour d’hiver 2019

Un jour d’hiver, dans les Alpilles, un délicieux aïoli. Une sauce revigorante, de beaux légumes, des escargots moelleux, des poissons blancs parfaitement cuits, une belle tablée, de jolis vins… on pense à Frédéric Mistral, le Maître.

L’aïoli sur les tables des riches et les tables du peuple…

L’aïoli sur les tables des riches et les tables du peuple…

Ce texte est extrait d’un livre très documenté : « Tables des riches, tables du peuple », par Sandrine Krikorian (sous-titre : Gastronomies et traditions culinaires en Provence du Moyen Âge à nos jours).

« Et c’est à ce moment-là que se déroule le Carnaval, mot qui vient du latin médiéval carne levare (autrement dit lever la viande, ce qui correspond justement à la période du Carême). Carnaval est synonyme de Carême-Entrant, Caramentran comme on dit en Provence.

Le premier jour du Carême, le Mercredi des Cendres, est marqué par la consommation du célèbre aïoli dont Frédéric Mistral lui-même a donné la recette dans l’Armana prouvençau de 1874 sous le pseudonyme de Cousinié Macàri (qui veut dire le « cuisinier du diable »).

 

« Après avoir finement broyé les aulx, versez, goutte à goutte, de l’huile d’olive, en martelant avec le pilon et en tournant continuellement dans le même sens. Quand la pommade prend corps, vous pouvez y ajouter quelques gouttes d’eau tiède et surtout n’oubliez pas d’y écraser la moitié d’un citron, pour consolider la pâte. Vous continuerez ensuite à verser l’huile goutte à goutte, doucement, bien doucement, et vous agiterez le poignet toujours de la même façon, jusqu’à ce que vous ayez assez d’aïoli. Il faut environ deux cuillerées par personne. Parfois, cependant, il y a un incident :

L’aïoli peut « tomber », c’est-à-dire s’effondrer et s’affaisser dans le mortier.

Voilà comment on procède pour « relever » l’aïoli.

Versez dans un petit plat votre aïoli raté. Remettez dans le mortier quelques gousses d’ail. Pilez-les comme il convient, et mettez du cœur à l’ouvrage. Ajoutez-y, quand elles seront en poudre, un jaune d’œuf.

Remuez avec le pilon, et versez de nouveau l’aïoli raté. Il va prendre du volume, de la consistance et devenir doré comme du beurre : c’est le moment de le servir. »

(La taulo et l’oustau. Contes gourmands, textes réunis et présentés par Henri Moucadel)

 

Voici également la recette donnée par le toujours célèbre Jean-Baptiste Reboul :

« Prenez environ 2 gousses d’ail par personne, épluchez-les, déposez les dans un mortier, réduisez-les en pâte au moyen d’un pilon ; ajoutez une pincée de sel, un jaune d’œuf et versez-y l’huile à petit filet, en tournant avec le pilon. Observez de verser l’huile très lentement et, durant ce temps-là, ne jamais s’arrêter de tourner ; vous devez obtenir une pommade épaisse. Quand vous aurez versé la valeur de 3 ou 4 cuillerées d’huile, ajoutez le jus d’un citron et une cuillerée à bouche d’eau tiède, continuez à verser de l’huile petit à petit et, quand vous trouvez la pommade de nouveau trop épaisse, ajoutez derechef quelques gouttes d’eau, sans cela elle se fond pour ainsi dire, l’huile se sépare du reste.

Si malgré toutes ces précautions, cet accident vous arrivait, il faudrait sortir le tout du mortier mettre au fond de celui-ci un second jaune d’oeuf, quelques gouttes de jus de citron et, petit à petit, cuillerée par cuillerée, y ajouter l’aïoli manqué en tournant sans discontinuer avec le pilon. Vous devez alors l’avoir réussi. C’est ce qu’on appelle « relever l’aïoli » ».

L’aïoli n’est, bien évidemment, pas servi seul. Il est garni de plusieurs mets :

« Nous allons maintenant indiquer ce qu’on sert avec, continue Jean-Baptiste Reboul. Il faut généralement de la morue bouillie, des escargots – que l’on fait cuire dans l’eau, avec sel, oignons piqués de clous de girofle et fenouil – des carottes bouillies, pommes de terre en robe, artichauts cuits à l’eau, haricots verts, œufs durs, et souvent de petits poulpes bouillis avec eau salée et aromates. »

 

Ceci est confirmé par le Cousinié Macàri qui en fait son éloge et présente l’aïoli comme la base de l’identité culinaire provençale :

« L’aïoli est un délice ; il n’y a rien de meilleur pour la santé, et c’est l’élément de base d’un repas provençal. L’aïoli est l’assaisonnement du poisson bouilli, de la bourrido, de la morue et des escargots en saumure ; et à côté de lui, s’il faut tout dire, la mayonnaise des Français n’est qu’une pommade de pharmacien. »

(La taulo et l’oustau. Contes gourmands, textes réunis et présentés par Henri Moucadel)

 

Du Mercredi des Cendres, où l’on mange l’aïoli, jusqu’au Jeudi saint se déroule donc le temps du Carême, terme qui vient du latin quadragesima signifiant le « quarantième jour » (avant Pâques) et qui désigne les quarante jours qui à l’époque étaient comptés (sans les dimanches) et qui se prolongeaient jusqu’au Samedi saint (Robert Cabié, Encyclopaedia Universalis). Cette période de quarante jours est d’ailleurs importante dans la religion chrétienne puisque répétée à plusieurs reprises dans la Bible. Dans l’Ancien Testament, elle correspond au nombre de jours où Noé et sa famille sont enfermés dans leur arche à cause des eaux du déluge mais aussi aux périodes de jeûne de Moïse et du prophète Élie. Quant au Nouveau Testament, on retrouve cette période au moment où Jésus erre lui-même dans le désert. On le constate donc, d’un point de vue symbolique, l’importance de cette période de quarante jours est remarquable.

La période du Carême se termine avec la Semaine sainte, débutant par le dimanche des Rameaux, rappelant l’entrée triomphante du Christ à Jérusalem. Dans la Statistique des Bouches-du-Rhône, il est indiqué qu’il est d’usage ce jour-là « de manger des pois chiches dans toute la Provence. À Marseille, on allait le jour des Rameaux entendre la messe aux Chartreux, et sur toute la route on vendait des pois chiches cuits. »

 

Cette coutume est expliquée de façon détaillée dans le numéro 81 de la revue L’Aioli du 27 mars 1893 par Frédéric Mistral :

« Dans toute la Provence et dans une partie importante du Languedoc, hier précisément, jour des Rameaux, on a mangé beaucoup de plats de pois chiches ; car vous connaissez évidemment le dicton :

Ne sont pas vraiment chrétiennes, les familles

Où l’on ne mange pas de pois chiches pour les Rameaux.

Mais d’où vient cette coutume ? On a écrit qu’en 1418, alors que Marseille connaissait la famine, six bâtiments chargés de pois chiches furent jetés sur le port par une tempête, justement le dimanche des Rameaux. Les consuls distribuèrent la cargaison et depuis lors, en souvenir, les Provençaux mangent des pois chiches.

Mais il est difficile de croire qu’un pareil événement, propre en fin de compte à la ville de Marseille, ait marqué toute la nation provençale au point d’en conserver l’usage que nous venons de mentionner.

Il nous semble préférable de rapporter la coutume des pois chiches de Rameaux à la légende suivante :

Près de Jérusalem, on montre encore, paraît-il, une lande pierreuse appelée le Champ des Pois chiches. En voici la raison :

Notre Seigneur, le dimanche avant Pâques, passait par là, et, depuis le chemin, il vit un homme qui semait des pois chiches. Comme il avait faim, il dit à l’homme :

« Qu’êtes-vous en train de semer, brave homme ? Vous seriez bien aimable de m’en donner une poignée, car j’ai faim …

– Moi ? je sème des pierres, répondit le Juif.

Ah ! eh bien! si vous semez des pierres, répliqua le bon Jésus, vous récolterez des pierres. »

Aussitôt la terre devint stérile et le demeura. Et là, au Champ des Pois chiches, il n’y eut plus, dorénavant, que des pierres et des cailloux. »

(La taulo et l’oustau. Contes gourmands, textes réunis et présentés par Henri Moucadel) »

L’aïoli, une sauce bénie des dieux, un plat, un art de vivre

L’aïoli, une sauce bénie des dieux, un plat, un art de vivre

Deux mots, « ail » et « oli » (huile), pourraient suffire à décrire cette célèbre sauce provençale célébrée par le poète Frédéric Mistral, fondateur en 1891 d’un journal baptisé l’aïoli :

« L’aïoli concentre dans son essence la chaleur, la force, l’allégresse du soleil de Provence, mais il a aussi une vertu, celle de chasser les mouches. Ceux qui ne l’aiment pas, ceux dont l’estomac se révulse à la pensée de notre huile et de notre ail ne viendront pas tourner autour de nous…« .

L’aïoli, n’est pas seulement une sauce, mais aussi un repas complet, maigre et bouilli, un « repas du vendredi ».

Voici une recette de l’aïoli, pour quatre personnes…
• 4 oeufs durs
• 3 ou 4 beaux filets de morue salée
• 1 ou 2 pommes de terre en robe des champs par personne
• 500 g de carottes entières à éplucher

Avec en plus les escargots, c’est la configuration minimale. Et ne pas oublier le pain. On goûtera la sauce avec, « avant d’attaquer », histoire de taster pur ! Mais on peut aussi ajouter des petits choux fleurs, des courgettes dans leur peau, des poireaux, des coeurs d’artichauts poivrade…

Pour les escargots :
• 2 douzaines d’escargots
• 1 branche de thym
• Du laurier et du fenouil
• Un bout d’écorce d’orange

Pour la sauce :
• 2 belles gousses d’ail (il y a bien des débats sur la quantité d’ail, nous préconisons pour notre part peu d’ail)
• 50 cl d’huile d’olive vierge (de la Vallée des Baux-de-Provence, de chez nous)
• 1 jaune d’oeuf (ici c’est plus qu’un débat, c’est une guerre passionnelle)
• Sel et poivre

Préparation :
Commençez par préparer la morue : la faire tremper une journée entière, en changeant l’eau au moins 5 fois. Au terme de ce dessalage, la pocher dans une marmite d’eau frémissante pendant 20 bonnes minutes. Attention à ne surtout pas la faire bouillir, ça rendrait la chair élastique et caoutchouteuse.

Concernant les escargots, nettoyez-les puis faites les cuire dans une marmite remplie d’eau en veillant à ce que le niveau de l’eau dépasse de 10 à 15 cm celui des escargots, ajouter le thym, le laurier, le fenouil, un bout d’écorce d’orange, quelques grains de poivre et deux cuillères à soupe de gros sel. Faites les bouillir pendant 45 minutes (à petite ébullition) puis réserver.

La préparation des légumes est très simple, ils doivent être cuits idéalement séparément, à la vapeur.

N’oubliez pas les oeufs durs (un par personne) que l’on servira écalés.

Préparez la sauce dans un grand mortier en bois ou en marbre et avec un pilon en bois de préférence. Ecrasez les gousses d’ail crues pour les réduire en pâte lisse. Un fois l’ail prêt, il faut s’attaquer à la partie la plus délicate de la recette : on va monter l’aïoli en une sauce proche de la mayonnaise, en troquant le pilon en bois contre un fouet. Ajoutez une pincée de sel et un jaune d’oeuf dans le mortier. Versez peu à peu 50 cl d’huile d’olive en filet sans jamais cesser de tourner vigoureusement toujours dans le même sens. Faites en sorte d’obtenir une sauce bien liée, un peu comme une mayonnaise, un peu plus ferme. Si vous n’arrivez pas à faire monter la sauce, pas de panique tout n’est pas perdu, mettez un jaune d’oeuf dans un autre plat, fouettez le puis versez-y la sauce exactement comme vous le faisiez précédemment avec l’huile. Une technique consiste aussi à utiliser de l’eau (cf. note spécifique). Et si vous avez la flemme, vous pouvez aussi monter l’aïoli au batteur, les puristes trouveront la sauce moins bonne…

Le festin occitan

Le festin occitan

Texte sur l’aioli, extrait de l’ouvrage de Prosper Montagné, le Festin Occitan, Atelier du Gué, 1929, p.35-39

L’ail, avons-nous dit, est l’accent, la dominante, d’une foule de mets languedociens. C’est
surtout dans l’Ailloli que s’affirme sa souveraineté. A cet ailloli, un poète anonyme – un
Occitanien sûrement – a consacré un sonnet. Le voici:

Aillloli.

Dans ce monde frivole où les meilleures choses ont le pire destin et meurent dans l’oubli,
‘arome d’un baiser, le doux parfum des roses tout passe… on garde mieux l’odeur de

ailloli.

Pénétrante senteur, quel délire tu causes!
Tu fleures comme un baume, et l’air en est rempli, ton éloge exhalé même des bouches
closes nargue le vetyver, l’ambre et le patchouli.
Ce beurre de nectar qu’Hébé servait sans grimpe était tout simplement l’ailloli de
l’Olympe, il nourrissait les Dieux, il réveille les morts.
Comus, pour le créer, choisit trois blondes gousses mit force jus de coude et, des flots
huile douce,
Sorti ce mets ardent comme un cheval sans morts.
La recette incluse dans ce sonnet, bien que très poétique, est quelque peu imprécise.
Voici celle que donne pour cette exquise sauce provençale, et qui se fait aussi en
Languedoc, A Caillat qui, lui, écrit : « aïoli » et non « aïlloli », ainsi que le veut l’Académie.

Aïoli.

« Piler dans un mortier quatre ou cinq gousses d’ail, ajouter un jaune d’œuf et une
pincée de sel; verser ensuite, peu à peu, en tournant avec le pilon, un quart de litre
d’huile. A mesure que la pommade épaissit exprimer dedans le jus de citron et ajouter
quelques gouttes d’eau. »
Il arrive parfois que, durant cette opération, l’aïoli se décompose et « tombe », comme
on dit, il faut alors le sortir du mortier, remettre dans celui-ci un second jaune d’œuf et
lui incorporer peu à peu l’aïoli tourné: il doit être réussi et d’une épaisseur convenable. »
Il est une autre façon de faire l’ailloli. Nous l’indiquons pour la forme seulement, car
nous estimons que, seule est conforme au principe provençal, la recette de Caillat:

Ailloli.

« Mettez dans un mortier trois gousses d’ail épluchées; pilez-les jusqu’à ce qu’elles soient
réduites en pâte; Ajoutez-leur la moitié d’une pomme de terre cuite à l’eau et mise en
purée, ou gros comme une noix de mie de pain trempée dans du lait et exprimée ensuite.
Broyez pour bien homogénéiser la pâte, et ajoutez, mise petit à petit, de l’huile
d’olive, en triturant toujours.
Quand l’ailloli a l’apparence d’une sauce mayonnaise bien mousseuse, ajoutez
une cuillerée à bouche d’eau froide, le sel nécessaire, une prise de poivre blanc et un filet
de jus de citron. »

En Provence, et aussi en Languedoc, l’ailloli (dit aussi « aïoli » et encore « ayoli ») n’est pas
seulement une simple sauce, une simple émulsion d’huile et d’ail analogue à la
mayonnaise et que l’on sert avec un mets quelconque.
L’ailloli est un plat complet, composé d’un unique ou de plusieurs éléments, dont la
sauce susdite est l’accompagnement obligatoire.
On sert cette sauce soit avec des poissons bouillis tels que maquercaux fiélas,
sardines, morue, etc.., soit avec des escargots de vigne; soit avec des légumes divers
cuits à l’eau: gros haricots verts, choux-fleurs, carottes, pommes de terre nouvelles, etc.
On sert aussi l’ailloli avec la Bourride, variété de bouillabaisse très prisée dans la
région Marseillaise – ce qui nous éloigne un peu du Languedoc – soupe dont, d’après le
poète Méry, l’invention est due à Thestyllis, la cuisinière de l’auteur de l’Enéide (mais les
poètes se permettent toutes les licences !) et qu’un autre poète provençal, Toussaint
Gros a ainsi chantée:
« Horace, se l’avies tastado,
Ben luen de l’abe blastemado
L’auries douna toun amitié
Auries miés estima ta testo courounado
d’un rez d’ayet que de lauzié…
ce qu’en français il aut ainsi traduire:
« Horace, si tu l’avais goûtée,
bien loin de l’avoir blâmée,
tu lui aurais donné ton amitié,
tu aurais mieux aimée ta tête couronnée
d’une chaîne d’ail que de laurier…
(La Bourrido dei Dieoux)

Auguste Escoffier et l’aïoli

Auguste Escoffier et l’aïoli

Dans “Le guide culinaire” (Flammarion, 1921), Auguste Escoffier classe l’aïoli dans les “Sauces froides”.

Il donne la définition suivante :

Sauce Aïoli, ou beurre de Provence

Broyer dans un mortier, bien finement, 4 petites gousses d’ail (30 grammes). Ajouter : un jaune d’œuf cru, une pincée de sel et 2 décilitres et demi d’huile, en laissant tomber celle-ci goute à goutte pour commencer, puis en petit filet lorsque l’on constate que la sauce commence à se lier. Ce mélange de l’huile se fait dans un mortier, et en faisant tournoyer vivement le pilon.

Pendant ce montage, rompre le corps de la sauce en y ajoutant, petit à petit, le jus d’un citron et une demi-cuillerée d’eau froide.

Nota. Dans le cas où l’aïoli viendrait à se désorganiser, on le reprendrait avec un jaune d’œuf cru, ainsi que cela se fait pour la Mayonnaise. »

Georges Auguste Escoffier, né à Villeneuve-Loubet le 28 octobre 1846, mort à Monte-Carlo le 12 février 1935, est un chef cuisinier, restaurateur et auteur culinaire français.
Ce « roi des cuisiniers » et « cuisinier des rois », Chef le plus célèbre de son temps, a définitivement imposé la connaissance de la cuisine française au niveau international, tant par celle pratiquée dans ses restaurants que par son travail d’écrivain culinaire, prolongeant ainsi et dépassant l’œuvre d’Antonin Carême et de Jules Gouffé. Cependant, en modifiant l’ordonnance des menus, la préparation des mets, en limitant leur richesse, en éliminant la farine des sauces au profit des fonds et des glaces de viande, en modifiant la structure du travail dans les brigades, il a innové et se trouve à la base de la transformation de l’art culinaire depuis 1918. Il a réussi à très largement faire partager sa conception de cet art : recherche de la perfection dans la préparation et du plaisir de l’esprit lors du repas.

« L’aiòli » est absolument exclu de notre table pendant toute la saison chaude…

« L’aiòli » est absolument exclu de notre table pendant toute la saison chaude…

Le magnifique ouvrage de Maurice Brun, qui fut le restaurateur le plus étonnant du Vieux-Port de Marseille, 1949 : « Groumandugi, Réflexions et souvenirs d’un gourmand provençal »

“L’aiòli est absolument exclu de notre table pendant toute la saison chaude, et dans la saison fraîche il est exclusivement mets de déjeuner, et généralement du vendredi. Le surcroît d’aliments carbonés qu’il apporte à notre organisme, et le travail digestif qu’il réclame, nous le rendent insupportable l’été, et pendant nos nuits si nous voulons le repos. Mais cette réserve faite, il est certain que notre “aiòli“ constitue à lui seul un repas complet, infiniment agréable, et qui est loin de manquer de caractère.


Malheureusement, le triomphant et incontestable succès, dans l’alimentation humaine, de l’ignoble huile d’arachide et de son mauvais goût,  a favorisé, et pour masquer ce goût, l’exagération de l’apport ail en notre sapide crème. L’esprit d’économie a, d’autre part, lui aussi, secondé cette exagération. Et il est devenu courant, presque normal qu’un “aiòli“ vous emporte la “gueule“ ; “l’oli“, même si elle est d’olive, est devenue accessoire, sinon dans la constitution, mais dans l’apport de sa tant agréable saveur, et là est grande erreur. Certes le goût violent de l’ail doit être prédominant, mais il ne faut tout de même pas que son excès nuise à la dégustation des délicats bouquets de notre huile tant “goustouso“, et  retrouver  dans notre crème alliacée  tous les parfums de nos crus oléicoles n’est pas un des moindres plaisirs que procure l’ingestion de ce mets, constitutif je le répète, à lui seul, d’un repas.

Ma tant gourmande mère  n’employait qu’une gousse pour six personnes, et j’ai croyance qu’une pour quatre doit être le maximum.

Quant à sa confection, il ne faut pas oublier d’abord, que toute mayonnaise ou rémoulade, et donc notre “aiòli“, sont émulsions, que le froid en gêne la constitution, et que donc toute huile gelée doit être légèrement réchauffée avant son emploi ; qu’il est d’autre part un élément indispensable à la composition de toute émulsion, que cet élément est l’eau,  l’acqua simplex,  et que si pour les rémoulades et mayonnaises le vinaigre ou le citron font apport de cette eau, il n’en est pas de même pour notre “aiòli“ qui n’a, de ce primitif liquide, que l ‘infime quantité contenue dans la gousse d’ail, dans le jaune d’œuf ; que donc il sera nécessaire d’adjoindre un peu d’eau, très peu d’eau, au cours de son “montage“, si l’on ne veut courir le risque de le “tomber“. Qu’enfin le mortier de marbre, le lourd mortier de marbre sera, par son poids qui lui donne stabilité, l’ustensile idéal à employer.

L’ail donc, finement pilé avec un peu de sel, et le jaune d’un œuf lui étant ensuite intimement incorporé, le suc vert doré de l’olive intervient  alors,  mais avec moult précautions et à tout petit filet, cependant que le pilon, de son mouvement giratoire et par son action de malaxage, crée la savoureuse liaison, l’onctueuse union.

Mais alors qu’avec l’apport de l’huile la consistance de la crème se manifeste, donnant par son aspect compact grande confiance en la réussite finale, augmentent et en proportion de cette consistance, les risques d’échec ; et plus “l’aiòli“ devient dur, et plus il est près de tourner de l’œil, de s’affaisser en piteuse marmelade. C’est pourquoi, alors qu’il est en pleine forme, semi-solide, un peu d’eau, très peu d’eau y sera incorporé, eau, qui, en éclaircissant nettement sa teinte, donnera à “l’aiòli“ naissant cette apparence crémeuse, qui le préservera de toute chute scabreuse. L’huile, alors, pourra être versée  avec moins de parcimonie, et même, au fur et à mesure que le volume de “l’aïoli“ sera plus important, y être ajoutée en quantité de plus en plus grande, sans toutefois, qu’à chaque adjonction, cette quantité n’excède le quart environ de la crème. Mais  ce nouvel apport d’huile, cet apport répété, va, à nouveau, durcir notre “aiòli“, le rendre, à nouveau, semi-solide ; à nouveau donc aussi interviendra alors l’eau, pour lui rendre consistance crémeuse qui le mettra efficacement et sûrement à l’abri d’un chute.

Je sais que beaucoup, que la plupart de nos Provençales, ignorent ce truc de l’eau. Mais aussi quelles appréhensions sont les leurs !  de quels soins, de quelle patience, de quelles précautions n’entourent-elles pas la confection de notre mayonnaise régionale, qui n’en demande pas tant ; quelles superstitieuses croyances président à son élaboration ! Trois personnes autour du mortier, et votre “aïoli“ est fichu ! Que le pilon, un instant, change de sens giratoire, et patatra, c’est la catastrophe !  Le regard d’un curieux, son souffle, et voilà notre crème en déliquescence ! Et quand la présence d’une femme ayant ses petits ennuis périodiques, c’est indubitablement l’échec, l’échec absolu, l’échec irrémédiable !!!…

Il est vrai que monter un “aiòli“ sans l’aide de l’eau n’est pas chose particulièrement aisée, et tient plus de l’acrobatie que de l’art culinaire. Il faut, en effet, que la crème soit toujours maintenue  très dure, donc instable, et l’huile versée au compte-gouttes, de façon que le pilon puisse mécaniquement crever les cellules dont le contenu pourra, alors, se lier au suc de l’olive ; et pour ce travail mécanique, le milieu solide, compact, est indispensable. Aussi, jugez du désappointement de la ménagère devant le passage subit, et inexplicable, d’un “aiòli“ ultra dur, à une molle marmelade.  Un peu d’eau, très peu d’eau pourtant aurait évité, et ces appréhensions, et ces risques, et ces désagréments ; cette eau aurait fondu la cellule, et aurait favorisé l’union.

D’ailleurs, en savonnerie, l’opération dite “liquidation“, n’a pas d’autre but : la confection d’une pâte lisse et homogène, ni d’autres moyens : l’adjonction d’eau douce.

Quant aux mets que généralement notre “aiòli“ accompagne, ils sont les escargots un poisson, et divers légumes bouillis.

Les escargots sont cuits en eau salée, avec fenouil, laurier, écorce d’orange, une pointe de piment. Ils auront, au préalable, été lavés plusieurs fois en eau vinaigrée et salée, et pour leur cuisson, mis en eau froide et à tout petit feu, afin qu’ils aient temps et goût de sortir de leur coquille, le sel et condiments étant ajoutés après leur mort.

Dans la Provence continentale, le poisson est toujours la morue. Trempée de la veille en eau froide, elle sera cuite simplement à l’eau qui, de froide, ne doit jamais arriver à dépasser les 80 degrés, et encore moins bouillir, et cela pour éviter de coaguler les albumines, ce qui rendrait la chair de ce poisson exotique, spongieuse.

Dans la Provence maritime c’est généralement le merlan ou la baudroie qui remplace la morue, et en Camargue, c’est l’anguille. Ces poissons sont pochés et cuits au court-bouillon environ vingt minutes, avec sel, oignons émincés, fenouil, laurier, et la baudroie et l’anguille, sont, bien entendu, écorchées avant cuisson.

Les poulpes aussi quelquefois tiennent lieu de poisson, et eux aussi seront écorchés. Vidés de leur noir, de leur sépia, de leur appareil masticateur, de leurs yeux, plongés en eau bouillante non salée, ils y cuiront une demi-heure, refroidiront dans leur bouillon et seront réchauffés avant de servir. La grande tendreté de leur chair, généralement ultra-dure, sera l’heureux résultat de ce mode de cuisson.

Quant aux légumes, en dehors des carottes qui doivent être cuites dans très peu d’eau légèrement sucrée (et ceci est capital pour le bon gout de cette racine) ils sont : les obligatoires pommes de terre en robe de chambre, et, suivant la saison : topinambours, choux fleurs ou de Bruxelles, artichauts, asperges, haricots verts, cuits séparément, eu eau salée, et servis chauds.

L’aiòli est un mets populaire, du vendredi ou vigile, quelquefois du dimanche, à la campagne, accompagné de chants, et sous la treille ; il est de digestion pénible, et prédispose considérablement au farniente.

Que ceux donc qui veulent s’en régaler complètement, abandonnent à l’avance, toute idée de travail immédiatement postérieur à son ingestion.

Pour l’accompagnement, un vin blanc, sec et glacé, s’impose, et un café final et corsé, est enfin absolument indispensable. »

Réhabilitation de l’Ail, par Léon Daudet

Réhabilitation de l’Ail, par Léon Daudet

Ce texte a été « découvert » dans la collection « La France à table » sur « Marseille et ses environs » (Gastronomie et Tourisme n° 65, mars 1957). Il démarre par cette introduction de l’éditeur :

Point n’est besoin de partager l’opinion politique de l’illustre polémiste pour le saluer comme un grand lettré et un admirable artiste. Aimant la France dune ardente et généreuse passion, il en comprenait tous les aspects. Eminent gastronome, il a consacré aux grands plats et aux vins de chez nous des pages enthousiastes, où la verve s’allie à lérudition.

« J’ai lu, avec une joie mélangée d’orgueil, sous ce titre : VERTUS THÉRAPEUTIQUES DE L’AIL, une communication sur les vertus thérapeutiques de l’ail a été faite à la Société de Biologie par les docteurs Coeper, Chailley-Bert et Debray ; il résulte des expériences auxquelles ils se sont livrés que l’action de ce végétal serait efficace contre l’hypertension artérielle. On peul l’utiliser médicalement soit en injectant dans les veines une macération d’ail, soit par ingestion par la voie buccale d’une trentaine de gouttes par jour d’un liquide obtenu en faisant macérer des bulbes d’ail pendant trois semaines dans quatre fois leur poids d’alcool à 93°. On observerait une notable diminution de la tension artérielle après quelques jours de ce traitement.

 

La science vient ainsi renforcer la traditionnelle confiance que les populations méridionales ont mise dans les vertus curatives du plus malodorant des assaisonnements.

“Avec joie … nous comprenons ça” – vont s’écrier les amis de l’ail, c’est-à-dire tous les gourmands, car, sans ail, la vie elle-même est fade – mais pourquoi avec orgueil ?

Parce que je suis un des premiers à avoir soutenu cette idée, par le journal et par le livre, que la meilleure thérapeutique, c’est celle de l’alimentation.

Le xixe siècle, qui aura été celui des plus fortes erreurs, en science comme en politique – bien qu’on prétende généralement le contraire – a produit ces phénomènes invraisemblables : des médecins qui défendaient à leurs malades de boire du vin, qui leur recommandaient l’eau pure, ou, à jet continu, les eaux minérales. Or, le vin n’est pas seulement l’incomparable tonique, chanté par Ronsard, Baudelaire et Ponchon, qui nous a fait une race énergique, vigoureuse et ensoleillée, capable de résister même à cinquante ans de peste républicaine, parlementaire et démocratique. C’est encore l’ennemi de l’arthritisme – qui sévit cruellement chez les buveurs d’eau, notamment minérale – de la neurasthénie noire ou blanche, de la dépression nerveuse, et c’est le grand rectificateur de l’hérédité.

Le vin corrige l’hérédité défectueuse, en apportant au sang, et, par lui, aux tissus, le roi des sérums naturels, fabriqué dans les laboratoires du vignoble, par les métaux en suspension, les radicelles de plantes salubres, celles de la vigne elle-même et le soleil : Vulcain, impressionné par Cérès et rectifié par Apollon !

Mais immédiatement après le vin et le blé, dont l’éloge n’est plus à faire – bien qu’on connaisse mal les vertus du pain – arrive immédiatement, dans sa gousse satinée, cet ami, trop méconnu de l’homme : l’ail. Mon ami inoublié, le docteur Henry Vivier, que nous appelions « le Sorcier », parce qu’il guérissait tous ses clients, ou les maintenait au moins loin de Pluton, s’écriait volontiers, même en chemin de fer, à la stupeur des étrangers : « L’ail, l’oignon, ces deux demi-dieux ! » Bien avant qu’on discernât les « vitamines », ou principes vivants des céréales, légumineuses, gousses comestibles et autres, Vivier professait que le produit du laboratoire est toujours inférieur au produit du sol. Un autre de mes amis, médecin d’enfants de grand talent, a coutume de dire qu’il ne faut pas faire de l’être humain une cornue.

C’est pourquoi, sans vouloir contrarier le moins du monde les docteurs Coeper, Challey-Bert et de Bray, je leur dirai qu’à l’injection de leur macération d’ail et à leur ingestion de leurs gouttes extrait d’ail, je préfère une bonne bouillabaisse. La meilleure que j’ai mangée de ma vie – qui en compte cependant un nombre incalculable – était celle d’un des derniers automnes, en plein air, près des Martigues, en compagnie de Charles Maurras et de Jacques Bainville. Il faudrait un volume pour la décrire et pour raconter son illustre confection. Sachez qu’elle aurait ressuscité un mort et qu’elle fut suivie de deux plats de poissons grillés avec fond de sauce à l’huile, au poivre, à l’ail et à la tomate, auquel nul microbe n’aurait résisté. Pendant que nous dégustions ces merveilles uniques, dans la cour d’un vieux fort démantelé, sous les triples lames d’or, de bleu et d’argent d’un ciel comme on en voit dans les missels, Maurras nous parlait d’un vieux mage qu’il avait connu dans son enfance et qui guérissait à l’aide de l’ail, des frictions d’ail sur l’organe malade. Je citais le cas de mon cousin arlésien Timoléon, régulièrement enrhumé et bronchiteux aussitôt qu’il mettait les pieds à Paris en hiver, et qui se traitait efficacement avec une simple « aïgo-bouligo » (eau, ail, huile, thym et pain bien dosés) dont il avalait trois assiettes. Aucune piqûre sous-cutanée ne vaut cela.

Frédéric Mistral et mon père, quand je faisais mes études médicales, me conseillaient vivement de faire ma thèse sur les vertus thérapeutiques du catigot d’anguilles, plat du Rhône, dont la recette est : rondelles d’anguilles, d’oignons, de lard, alternées sur une broche, grillées à feu vif, avec arrosage d’un coulis d’ail et de tomate, qu’on appelle aussi une pommade. Le catigot, dont la recette, originaire de Condrieu, aurait été perfectionnée jusqu’à Saint-Louis du Rhône, guérissait – à condition que l’ail fût « piquant » – presque toutes les maladies infectieuses, et Mistral disait en riant : « Il n’y a que le mal d’amour contre lequel il soit inefficace. » Quelquefois je revois en rêve ma thèse imprimée, avec ce titre en caractères gras : Du catigot et de ses vertus. Mais j’eusse été sûrement recalé par cet extraordinaire et solennel abruti qu’on appelait le professeur Bouchard, ennemi du vin, considéré par lui comme le pire des poisons, et qui avait inventé cette affaire abracadabrante : les maladies « par ralentissement de la nutrition… » !

Il y a quelques années, une autre bourde diplômée, celle-ci, je crois, américaine, avait imaginé qu’il fallait déjeuner d’une simple cuillerée de légumes, mâchée pendant un quart d’heure (ça s’appelle le fletchérisme), jointe à une bouchée d’une viande quelconque, mâchée pendant une demi-heure. A la suite de cette plaisanterie, on aurait remarqué – et je n’en suis point surpris – une recrudescence insolite des stomatites ulcérantes et des cancers de la langue. N’empêche qu’appliquée à l’aïoli, la méthode eût donné des résultats curieux. Mâcher de l’ail pendant une demi-heure, c’est ce que Forain appelait « se faire une bouche d’enfant ! ».
La conclusion, c’est que l’aïoli, ou mayonnaise à l’ail, honneur de toute bonne table languedocienne et provençale, est un sûr moyen d’échapper à la maladie et à la mort. On assure qu’il tue parfois les voisins, mais les gens qui prétendent cela sont du Nord et, par conséquent, assez hâbleurs.
Ce qui tue, c’est l’absence d’aïoli. Je ne vous ferai pas la honte de vous indiquer cette recette : ail, huile, mortier, pilon, un bon poignet, car il importe de tourner vivement. Dès que votre alimentation se ralentit, à la façon de Barbari-Bouchard, mon ami, zou, en avant pour l’aïoli !…

En avant par delà les tombeaux ! comme disait Goethe, auquel, en fin de compte, je préfère Mistral. »

Léon Daudet

Ail-Pod, pour faire chanter l’aïoli

Ail-Pod, pour faire chanter l’aïoli

« Les fourmis n’aiment pas le flamenco » d’Auguste Derrière, aux éditions « Le castor Astral », novembre 2011

Les escargots, grands amis de l’aïoli ?>

Les escargots, grands amis de l’aïoli

Extrait de « Curnonsky, prince des gastronomes ou les petites histoires de la grande cuisine », un ouvrage inédit des interviews de Curnonsky par René Ginet, offert par les vins Nicolas et édité par Havas Conseil en 1971

Curnonsky – Savez-vous comment on prépare les escargots ?

Ginet – Ma foi… je me contente de les manger.

Curnonsky – Il est essentiel de rappeler qu’avant tout et dans tous les cas, les escargots doivent être soumis à un jeûne très sévère pendant 2 à 3 jours.

Ginet – Et privés de dessert le 4e ?… En tous cas, je trouve ça cruel.

Curnonsky – Sans doute, Ginet, mais le jeûne préalable est indispensable pour éviter un empoisonnement, car les escargots, qui sont très voraces, peuvent avoir absorbé des plantes nuisibles pour les humbles mortels que nous sommes… Il importe de bien les laver, et à plusieurs eaux, et de les faire soigneusement dégorger.

Ginet – Il vaut mieux, je crois, que les escargots soient protégés par le petit opercule qui ferme la coquille dès le début de l’hiver.

Curnonsky – je ne l’ignore point en effet. Ça veut que l’escargot est un mollusque d’intérieur et qui aime son chez soi.

Helix aspersa aspersa, le Petit-gris de l’aioli ?>

Helix aspersa aspersa, le Petit-gris de l’aioli

Helix aspersa aspersa, le Petit-gris, est une sous-espèce d’escargot (Gastropoda) de la famille des Helicidae du genre Helix et de l’espèce Helix aspersa.

Le petit-gris est un gastéropode mesurant entre 28 et 35 mm pour un poids adulte de 7 à 15 g. Il porte une coquille calcaire à motifs variables mais le plus souvent brune rayée de noir. Sa spirale (Helix en latin) tourne généralement dans le sens des aiguilles d’une montre (on rencontre 1 sénestre sur environ 20 000 escargots).
Helix aspersa est sourd et quasiment aveugle mais ses tentacules sont équipés de deux « nez » (épithéliums olfactifs) très puissants. Simplement en balançant ses tentacules pour détecter les odeurs qui l’entourent, l’escargot peut repérer une cible à plus d’une centaine de mètres. 99 % de l’activité de l’escargot (y compris ses « repas ») a lieu de nuit avec un pic deux à trois heures après la tombée de la nuit. La fraîcheur nocturne et la rosée facilitent les déplacements.

L’aïoli, onguent ensoleillé

L’aïoli, onguent ensoleillé

Par Jean-Claude Ribaut « Le Monde » 3 août 2011

Antiseptique, apéritif, expectorant, fébrifuge, résolutif, rubéfiant  et stomachique : les qualités autrefois reconnus à l’ail sont innombrables.

Même le coach minceur à la mode, Pierre Dukan, confirme aujourd’hui les vertus amaigrissantes de l’allium sativum des Anciens. Le libelliste facétieux Alphonse Karr a beau que « la botanique est l’art de dessécher les plantes entre les feuilles de papier brouillard et de les injurier en latin », une telle unanimité en impose. L’ail n’a pour ennemis, hormis les vampires, que les viagers, car il prolonge la vie du papet, au mas. Omniprésent dans la cuisine de Provence, il est parfois apprécié pour des raisons douteuses : « Il a aussi une vertu : c’est de chasser les mouches. Ceux qui ne l’aiment pas (…) ne viendront pas de cette façon baguenauder à notre entour. Nous resterons en famille », ronchonnait Frédéric Mistral (1830-1914). Mais ceux qui l’aiment « sont les bienvenus en Provence », corrige un félibre moins chauvin qui lui. A Piolenc (Vaucluse), l’Auberge de l’Orangerie se prépare pour le 32ème Festival de l’ail, dont le clou sera, samedi 27 août, un grand « aïoli dansant » ! L’Aïoli, émulsion d’ail et d’huile d’olive à laquelle il est d’usage d’ajouter un jaune d’œuf et du citron, est une sauce obtenue par giration du pilon dans un mortier. C’est aussi, par cratylisme, le nom d’un plat familial de morue, escargots, œufs durs et légumes pochés, servi avec cette sauce au goût énergique et prolongé. Après l’avoir dégustée, Curnonsky (1872-1956) recommandait par galanterie « de ne plus parler qu’à la troisième personne ». Aussi, pour apprivoiser l’aïoli, Jacques Megean, cuisinier à Carpentras, avait coutume, dans les années 1990, de pocher des gousses d’ail entières, fendues en deux et dégermées, avec un peu de gingembre. Il exprimait ensuite à l’aide du moulin à légumes et du tamis 60 grammes de purée d’ail, qu’il malaxait avec un jaune d’œuf avant d’introduire-goutte à goutte- deux décilitres d’huile d’olive vierge puis le jus d’un demi-citron.

La verve poétique ne pouvait épargner l’aïoli : « Venus, dis, lou li faguè tant dur/qu’au mourtié lou trissoun tenié tèsto levado » (Vénus le lui fit si dur/que le pilon tenait droit dans le mortier). Fine allusion du poète provençal Jean-Baptiste Germain (1701-1781) aux vertus aphrodisiaques de cette liliacée. Culte lui est rendu de Lautrec (Tarn), où on célèbre l’ail rose, à Arleux (nord), ou l’ail fumé est roi. Et jusqu’à Gilroy (Californie), Capitale mondiale autoproclamée de l’ail, qui élira le 31 juillet Miss Garlic !